Lettre ouverte aux organisateurs du 5è Festival:
"Proche Orient, ce que peut le cinéma"
Joseph Algazy
Je viens de recevoir le programme détaillé du 5è Festival: "Proche Orient, ce que peut le cinéma" (Paris, 30.11-13.12.2011).
Veuillez agréer mes sincères félicitations pour l'initiative que vous avez prise et que vous menez à bien avec persévérance, de cette importante manifestation culturelle, politique et humaniste. Votre décision de consacrer la soirée de clôture à la mémoire de Juliano Mer-Khamis m'a particulèrement ému.

Mais, par contre, je souhaite exprimer ma forte déception devant certains textes qui mentionnent de manière obscure l'ignoble assassinat de Juliano le 4 avril 2011. Ces textes m'ont profondément choqué. Je voudrai m'expliquer à ce sujet.
On peut lire notamment: Juliano Mer-Khamis "brutalement assassiné devant le théâtre de Jenine en avril dernier"; "Juliano Mer-Khamis a été abattu par balles à Jénine"; "artiste et militant, il se savait menacé. Son théâtre avait été incendié à deux reprises ces dernières années"; Juliano Mer-Khamis "a été abattu par balles à Jénine dans le nord de la Cisjordanie le 4 avril dernier à l'âge de 52 ans"; "C'est devant (…) le Théâtre de la Liberté que Juliano a été assassiné".
Devant ces lignes tout lecteur avisé se pose immédiatement deux questions: qui a pu assassiner Juliano et pour quel motif ? Pourquoi les asssassins bénéficient-ils de cet anonymat ?
§ Au lendemain de l'assassinat de Juliano ses collègues à Jenine ont montré du doigt ceux qui, depuis bien des années, menaçaientt ouvertement la vie de Juliano.
§ Deux ans avant son assassinat Juliano lui-même avait averti publiquement que sa vie était en danger – lisez s.v.p., attentivement son avertissement:
"Nous, le Théâtre de la liberté, dénonçons et rejetons toutes les accusations qui nous ont été faites dans le camp. Nous sommes ici pour responsabiliser nos enfants, les éduquer et pour construire un nouveau futur face à l’occupation israélienne.
"Des années de destruction et d’oppression ont laissé nos enfants sans aucune activité culturelle élémentaire et sans aucune possibilité d’expression artistique. Tout enfant au monde a le droit de visiter le Théâtre, en apprendre la langue et a la possibilité d’en utiliser les arts pour manifester et exprimer son identité et sa personnalité. Le théâtre, le cinéma, les arts en général, sont essentiels au développement de l’enfant ainsi que de notre société afin que notre nation devienne forte, libre et indépendante.
"Malheureusement il y a des individus dans le camp de Jénine qui ne peuvent accepter le succès du Théâtre de la liberté ni le travail qu’il fournit auprès d’un grand nombre d’enfants et de jeunes. Ils ont le sentiment que le Théâtre de la liberté menace leurs positions de pouvoir et détourne d’eux l’attention des médias.
"Ces lâches qui n’ont pas le courage de signer de leur nom leurs tracts menaçants ni celui de nous confronter, face à face, utilisent les moyens les plus bas pour détruire l’avenir de nos enfants. Leurs seuls intérêts personnel prennent le dessus sur le projet national que représente le Théâtre de la liberté. Ils prétendent protéger nos enfants alors qu’en fait, ils sont prêts à les sacrifier pour leurs seuls intérêts ; en combattant continuellement tout projet culturel dans le camp de Jénine, ils collaborent indirectement avec l’occupation israélienne.
"Ils disent que nous sommes contre la religion ; c’est leur plus grand mensonge, c’est l’exact opposé de la vérité. Parmi nous se trouvent des musulmans et des croyants, chrétiens, juifs, et des gens de toutes origines, Américains, Portugais et bien d’autres. Nous respectons toutes les religions ainsi que les traditions du camp de Jénine. Nous ne sommes pas là pour enlever la religion de nos jeunes, nous sommes là pour combattre inconditionnellement l’occupation israélienne et pour créer un état palestinien indépendant. Nous sommes ici pour armer nos jeunes de connaissance, de valeurs et de respect pour leur histoire, leur religion et leurs familles.
"Ne les laissez pas détruire notre futur à tous. Le Théâtre de la liberté est l’héritage de Samira Zubeidi (Um Abed), Taha Zubiedi, Ala Elsbar, Yousef et Nidal Stetti, Ashraf Abu Alja et tant d’autres dont le martyre a pavé la route pour notre indépendance et notre liberté.
"Juliano Mer Khamis, Directeur du Théâtre de la liberté, Jenine, le 19 avril 2009".
(Déclaration de Juliano Mer Khamis, directeur du Freedom Theatre, le Théâtre libre de Jénine - publié le samedi 25 avril 2009 - http://www.france-palestine.org/article11685.html)
§ En Palestine occupée, l'écrivain et journaliste Mouhaned Abd El-Hamid, a publié une série d'articles où il ne s'est pas dérobé, et a lui aussi désigné les responsables de l'assassinat de Juliano (voir un de ses articles publiés dans le site en langue arabe "Le dialogue civilisateur" ((الحوار المتمدن le 11.8.2011:
http://www.ahewar.org/debat/show.art.asp?aid=270999).
§ La journaliste allemande Stephanie Doetzer a commenté dans le site: http://en.qantara.de/ :
"Le directeur du théâtre et artiste assassiné Juliano Mer-Khamis a passé sa vie sur un corde raide. A traitor to some, while a visionary to others – and an exception on the Israeli as well as the Palestinian side. Un traître à certains, tandis qu'un visionnaire pour d'autres - et une exception sur le conflit israélo ainsi que du côté palestinien.An obituary by Stephanie Doetzer
"Une chose est certaine: autant que la majorité israélienne n'a pas envie d'entendre ses pensées, aussi l'aile palestinienne conservatrice ne pouvait pas supporter son travail dans la camp. To them, Mer-Khamis was too godless, too liberal, despite the support that he received from many local Hamas leaders. Pour eux, Mer-Khamis était trop impie, trop libéral, malgré le soutien qu'il a reçu de nombreux dirigeants du Hamas local. Yet, in Jenin, Hamas has long ceased to be a radical voice, others make the former hardliners sound almost moderate. Pourtant, à Jénine, le Hamas a depuis longtemps cessé d'être une voix radicale, mais considérée presque modérée par les durs anciens.
“Some people have an issue with boys and girls playing together in the theatre. "Certaines personnes ont un problème avec les garçons et les filles qui jouent ensemble au théâtre. You know, theatre has bad reputation in Palestine. Vous savez, le théâtre a mauvaise réputation en Palestine. For a woman to be an actress comes close to being a prostitute. Pour une femme être une actrice est presque être une prostituée. But most people don't take theatre seriously. Mais la plupart des gens ne prennent pas le théâtre au sérieux. For them, it's just child's play.” said Mer-Khamis. Pour eux, c'est juste un jeu d'enfant ", a déclaré Mer-Khamis.
"Yet, the extremists must have taken the theatre very seriously.Pourtant, les extrémistes ont pris le théâtre très au sérieux. Two years ago, flyers were distributed denouncing Mer-Khamis as Israel's “fifth column” Death threats and two arson attacks followed. Il y a deux ans, des tracts ont été distribués dénonçant Mer-Khamis que les menaces d'Israël "cinquième colonne". Des menaces de mort et deux incendies criminels ont suivi. When, in April 2009, the situation reached a head, Mer-Khamis sent out an e-mail to friends and acquaintances calling for solidarity and asking the Palestinian security forces for better protection. Quand, en avril 2009, la situation a aggravé, Mer-Khamis a envoyé aux amis et connaissances, par e-mail, un appel à la solidarité et de demander aux forces de sécurité palestiniennes pour une meilleure protection. The letter closed with a quote from Martin Luther King. La lettre se terminer par une citation de Martin Luther King: "A la fin, nous nous souviendrons non pas des mots de nos ennemis, mais des silences de nos amis".
§ A la suite de l'assassinat de Juliano moi aussi j'ai publié en hébreu le 20 avril 2011 et en arabe le 25 avril 2011 dans mon site personnel (www.defeatist-diary.com) un article intitulé: "Pas des extra-terrestres ont assassiné Juliano et Vittorio Arrigoni [membre du mouvement International Solidarity Movement - ISM assassiné a Gaza le 15 avril 2011], les assassins ont une identité, une adresse et un motif aussi".
Fanatisme et obscurantisme ont assassiné Juliano. Dissimuler l'identité des assassins de Juliano Mer-Khamis et leurs commanditaires, qui qu'ils soient, de ce monstrueux assassinat est un blasphème à sa mémoire et à sa mission humaniste.
Il n'est jamais tard de corriger ce grave outrage.